Investigations sur les abus
Qui a refusé de bombarder Kasserine ?
Le mystère des snipers continue
Après
la révolution du 14 janvier, une commission d’investigation a été
constituée pour déterminer la responsabilité des abus commis lors de ces
événements. Six mois après sa constitution, le président de cette
commission Me Taoufik Bouderbala, dresse le bilan de l’activité de sa
commission.
• Le Temps : Après plus de 6 mois d’investigation, la commission a-t-elle accompli une grande partie de sa mission ?
- Me Taoufik Bouderbala :
Une fois constituée et après la parution du décret présidentel la
concernant le 2 mars 2011, la commission a aussitôt commencé son action.
Ses membres ont effectué des visites dans les gouvernorats pour
recueillir la version des familles des martyrs celles des témoins et
aussi celles des blessés.
Nous
avons commencé par Sidi Bouzid et Kasserine, et avons rendu visite à
toutes les familles concernées et nous avons constitué des dossiers
individuels pour chaque cas. Les enregistrements ont été réalisés avec
des moyens numériques et de supports papiers. Ces visites ont commencé
le 10 mars et se sont terminées le 8 juillet. Elles ont été effectuées
dans les 24 gouvernorats du pays. Plus précisément, nous avons effectué
65 visites et parcouru 110 mille kms.
• Quels sont les résultats ?
-On
s’est rendu compte que Ben Ali avait donné l’ordre de bombarder
Kasserine pour faire cesser les manifestations. Il y a eu une enquête
judiciaire qui a établi que cet ordre a été effectivement donné. Mais,
il n’a pas été exécuté et c’est à l’honneur de celui qui ne l’a pas
exécuté.
• Qui ?
-On
ne le sait pas. Peut-être au niveau régional parce qu’un bombardement
peut se faire par des avions, mais aussi par des blindés.
• Revenons aux résultats
-
Nous avons constitué 2118 dossiers dont 244 concernant les décès, 1489
les blessés et 385 les dommages causés, aux biens publics et privés. Je
crois que nous allons atteindre les 300 décès parce qu’il y a des cas
graves parmi les blessés.
Il
y a aussi les décès dans les prisons enregistrés au cours des
opérations d’évasion. Mais au niveau des responsabilités le dossier
concernant les prisons diffère des dossiers des martyrs et des blessés.
Nous avons aussi enquêté sur le nombre des victimes dans les rangs des
forces de l’ordre et les circonstances de leur mort parce que nous ne
faisons pas de différence entre les victimes.
• Et celui des « snipers » ?
-
Nous avons été les premiers à essayer de clarifier ce problème. Mais
cette question n’est pas encore résolue. Nos investigations ont démontré
qu’il n’y a pas de corps constitué de snipers au sein des structures du
ministère de l’Intérieur.
Mais, des opérations des snipers ont bien eu lieu par des personnes ayant agi sur ordre ou sans ordre.
Après
ces investigations nous avons commencé, juin dernier, à auditionner des
grands responsables du ministère de l’Intérieur. Il y a en a 15 qui
sont en état d’arrestation dont deux sont en liberté provisoire. Nous
allons continuer d’auditionner aussi les responsables qui ne sont pas
impliqués ainsi que des anciens ministres. A la fin de ces
investigations, nous établirons un rapport sur l’historique de ces
événements pour cerner les responsabilités qui sont essentiellement de
responsabilité institutionnelles,car les responsabilités individuelles
relèvent de la compétence des tribunaux. Ce rapport déterminera le
nombre des décès et des blessés et comportera des recommandations pour
dédommager les victimes.
Interview réalisée par Néjib SASSI
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