mardi 11 octobre 2011

Voyages de nos hommes politiques à l’étranger

Quand le destin de la Tunisie passe par l’Aéroport de Carthage !
 
Jamais dans l’histoire de la Tunisie, l’aéroport de Carthage n’a autant accaparé l’attention des Tunisiens qu’après la Révolution. On n’en a jamais autant parlé à la télé, dans les journaux, voire dans les tribunaux, que depuis le 14 janvier 2011. Il y eut d’abord ces tentatives de fuite à l’étranger d’une partie de la famille de Ben Ali et de quelques Trabelsi.

 On se rappelle tout le scénario (tout le film) de leur arrestation et l’incrédulité relative qu’il a suscitée parmi un grand nombre d’observateurs locaux et étrangers. Ensuite, la douane déjoua les plans de fuite de certains responsables du régime déchu et de quelques proches de Ben Ali. Entre-temps, Saida Agrébi eut le loisir de réussir son départ en dehors de nos frontières et cette évasion fit des remous au sein du Gouvernement. L’accueil « triomphal » réservé à Rached Ghannouchi, à sa rentrée d’exil, eut pour premier théâtre notre aéroport international. Le retour au pays de Moncef Marzouki fut lui aussi médiatisé à partir de là-bas. On n’oubliera pas de sitôt non plus la marée islamiste qui accueillit le Premier Ministre turc lors de sa récente visite en Tunisie : c’était également à l’aéroport de Carthage qui peut aujourd’hui être considéré comme l’un des hauts-lieux de la Révolution et de la période de transition démocratique. Du temps des dictatures, les « évasions » des politiques pourchassés empruntaient la voie terrestre pour gagner l’étranger : Ahmed Ben Salah et Mohamed Mzali en savent quelque chose. Quant aux « mouvements » aériens dignes d’intérêt, à cette époque-là, ils concernaient dans la majorité des cas les départs ou les retours du chef de l’Etat, sinon ceux des grandes personnalités étrangères qui se rendent chez nous. En tout cas, l’aéroport de Carthage ne faisait pas alors figure d’espace politique incontournable comme il l’est maintenant.

Pérégrinations controversées

Actuellement, et plus particulièrement depuis l’avènement de M. Béji Caid Essebsi à la tête du gouvernement provisoire, les voyages de celui-ci à l’étranger et ceux des autres ministres ou des hommes politiques importants sont suivis à la loupe par les médias et par l’ensemble des analystes nationaux et internationaux qui aiment scruter le ciel du changement démocratique sous nos latitudes. Le passage de nos grandes personnalités par l’aéroport de Carthage n’échappe de ce fait à l’attention ni aux commentaires de personne. Lorsque Si Béji, alors fraîchement désigné, se rendit en Algérie et au Maroc, on ne resta guère indifférent à ce voyage dont on interpréta plutôt mal l’opportunité et les objectifs. Le déplacement au Qatar du Ministre de la Défense, envoyé –nous disait-on-, en mission économique avait également suscité beaucoup d’interrogations ; mais les réponses qu’on avait apportées à ces questions eurent du mal à convaincre l’opinion publique et les observateurs. La participation de Si Béji au sommet du G8 ne passa pas non plus sans commentaires médisants. Tout comme son récent voyage aux Etats-Unis : c’est indiscutablement l’un des voyages les plus « mystérieux » de l’histoire des « mouvements » diplomatiques entre notre pays et les U.S.A. Non seulement, il intervient à un moment très sensible de la période de transition et se laisse donc entourer presque volontairement de suspicion ; mais le Premier Ministre tunisien laisse perplexe quant aux objectifs réels de sa mission au pays de l’Oncle Sam. Curieusement, il nous a semblé à un certain moment faire campagne en terre américaine au profit du mouvement Ennahdha. Coup de pouce précieux dont Rached Ghannouchi a bien besoin pour se conforter dans ses certitudes quant à la victoire aux élections de la Constituante. Béji Caid Essebsi, émissaire des Islamistes tunisiens auprès d’Obama et des grandes institutions américains ? Difficile à croire bien évidemment, même si en défendant les « Islamistes du terroir » que sont nos Nahdhaouis, Si Béji leur rend un fier service dont on ignore s’ils le récompenseront plus tard. Mais la mission américaine de notre Premier Ministre aux Etats-Unis fut autrement controversée : en effet, on s’interroge beaucoup en ce moment (pas toujours innocemment, bien sûr !) sur le choix de Mohamed Nouri Jouini, ancien ministre de Ben Ali et dans le premier gouvernement de Mohamed Ghannouchi, pour faire partie des accompagnateurs de Si Béji dans son tout dernier périple américain. Au final et quand on se rappelle tous les « grands » voyages politiques effectués sous le gouvernement de Béji Caid Essebsi, on constate très vite qu’ils sont étroitement liés au destin du pays après la Révolution, durant et après la crise en Libye, et après les élections du 23 octobre prochain. Cependant, ces déplacements cruciaux pâtissent presque à chaque fois du caractère parfois trop « top secret » que leur confère le gouvernement qui les organise ! Ce qui, tout naturellement, autorise les interprétations les plus sournoises, notamment de la part de ceux qui, jusqu’à présent, ne sont toujours pas si sûrs des « bonnes intentions » de Si Béji ! Remarquez, toutefois, que ce ne sont pas les voyages officiels seulement qu’on suspecte. Un Nahdhaoui de la première ligne qui va en Grande-Bretagne ou en Egypte, ça délie bien des langues malveillantes. Idem quand il s’agit d’un homme du PDP ! Les voyages forment la jeunesse, c’est vrai, mais en politique, ce sont surtout les vieux loups qui pérégrinent !...
Badreddine BEN HENDA

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